Le pont Alexandra : entre conservation historique et défis de mobilité moderne

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Dans les dernières semaines, l’avenir du pont Alexandra a de nouveau été au cœur des discussions, réitérant les intentions du gouvernement fédéral pour remplacer cette icône par une nouvelle structure. MOBI-O est préoccupé par cette intention, et ce, autant du point de vue de la valeur historique et patrimoniale du pont, que des orientations en matière de mobilité. Plongeons-nous dans les raisons qui font du pont Alexandra plus qu’un simple élément du paysage. 

Le pont Alexandra, avec ses airs majestueux reliant l’Outaouais et Ottawa, est bien plus qu’une infrastructure de transport. Il est un témoin de notre histoire, une œuvre d’ingénierie datant du début du 20e siècle. Désigné lieu historique national de génie civil par la Société canadienne en génie civil, et inscrit au registre du patrimoine de la Ville d’Ottawa, il incarne pour la région une importance historique nationale. 

Construit à la fin des années 1800, ouvert en février 1901, le pont Alexandra a été à l’origine conçu pour accueillir des modes de transport durables tels que les trains, tramways, piétons, voire des calèches. Sa conversion à la circulation automobile dans les années 1960 a inévitablement laissé des marques.   

PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES NATIONALES DU QUÉBEC / WILLIAM CHARRON

Les analyses techniques pointent du doigt la fragilité de la structure et son caractère non sécuritaire pour la circulation automobile. Cependant, il est important de rappeler que le pont Alexandra n’était pas initialement destiné à supporter le poids des voitures. L’usage par les automobiles, combiné aux ravages de l’entretien hivernal, a probablement contribué à son état actuel. Nous emmenant à se poser une question importante : devrait-on le condamner en raison de son état actuel ou chercher des alternatives pour préserver ce patrimoine?  

Le Droit a révélé récemment que des ingénieurs du gouvernement fédéral jetaient un regard critique sur la décision du gouvernement fédéral. En effet, selon des documents de Services publics et approvisionnement Canada (SPAC), la préservation n’aurait pas été sérieusement envisagée par le gouvernement, malgré des coûts potentiels avantageux sur le plan patrimonial et économique. Selon Le Droit, on évalue « le coût du maintien de la structure actuelle pour 25 ans à 342 millions de dollars. » Toujours selon Le Droit, le rapport révélait que « sur un cycle de 75 ans, cette option finirait par coûter 650 millions aux contribuables canadiens en raison des nombreux travaux d’entretien à planifier. » Quant à une nouvelle infrastructure, on estime qu’un nouveau pont « qui demeurerait emblématique, mais sans prouesse architecturale, coûterait 450 millions alors qu’un pont à l’architecture plus élaborée qui aurait fait l’objet d’un concours d’architecture pourrait friser les 800 millions de dollars. » 

Ainsi, les analyses indiquent que la réhabilitation est une option. Ceci dit, les coûts seront inévitablement liés à l’usage que nous souhaitons en faire. Si l’on envisage de retirer la circulation automobile sur le pont Alexandra et de favoriser les modes de transport durables, une nouvelle perspective émerge. Dans un contexte où toutes les orientations régionales, nationales et fédérales en transport convergent vers la réduction de la dépendance à l’automobile, cette option devient réaliste.  

Certains pourraient craindre les conséquences de la réduction des voies pour les automobiles. Cependant, il est essentiel de souligner que le pont Alexandra a souvent été fermé aux voitures par le passé, comme c’est le cas actuellement. De plus, si un nouveau pont devait être mis en chantier, l’accès aux voitures serait inévitablement fermé pendant plusieurs années. Par ailleurs, si souhaitons réduire les déplacements en voiture dans notre société, nous devons réfléchir autrement à la place que nous lui accordons. 

Malgré tout, je tiens à rassurer ceux qui sont accrochés à leur volant. MOBI-O propose une vision à long terme. Encourager les alternatives, améliorer l’expérience des autres modes de transport, tout en réduisant progressivement la dépendance à l’automobile, voilà le chemin vers un avenir plus durable. 

Ainsi, la préservation du pont Alexandra ne devrait pas être perçue uniquement comme une question d’ingénierie, mais plutôt comme une décision reflétant notre attachement à notre histoire et à notre avenir, exprimé à travers notre engagement en faveur d’une mobilité durable. Il convient donc d’explorer toutes les options, avant de condamner ce joyau patrimonial. 

 

Patrick Robert-Meunier
Directeur général
MOBI-O, Centre de gestion des déplacements de l’Outaouais et de l’Abitibi Témiscamingue

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