Autrice : Laura Raibaldi

Maîtrise en Gestion de l’Environnement

Conseillère en Mobilité durable

 

L’écologie routière est la science qui étudie les interactions entre le réseau routier et les écosystèmes qu’il traverse, afin de proposer des mesures permettant d’atténuer les impacts négatifs de la présence et de l’utilisation des routes.  

De son côté, la mobilité durable ambitionne de répondre aux besoins de mobilité de manière à maximiser ses aspects positifs (équité, santé, sécurité) et minimiser la consommation d’espace et de ressources. Sa réflexion touche à la fois l’aménagement et la gestion du territoire. 

Ces définitions sont très sommaires, mais pointent résolument dans une même direction : résoudre les enjeux de déplacement humains tout en protégeant le monde vivant et ses milieux de vie, que ce soit pour les générations présentes et futures. 

Gaz à effet de serre : l’arbre qui cache la forêt … menacée 

 Les émissions de GES occupent le devant de la scène quand il est question de transition écologique et de protection de l’environnement, en particulier lorsqu’on parle du réseau routier. Mais si ces émissions suffisent à justifier les efforts déployés en mobilité durable et en écologie routière, elles ne sont pas le seul danger que génère le réseau routier pour la durabilité de notre société et des milieux naturels. 

Trois conséquences majeures et directes sur l’environnement sont associées à l’implantation et l’utilisation du réseau routier : 

  1. La destruction directe des milieux naturels traversés ; 
  2. Le fractionnement des milieux naturels, réduisant les territoires de vie des espèces animales (donc la taille des populations) et forçant celles-ci à traverser la route quand cela est possible ; 
  3. La mort par collision de personnes humaines et d’espèces animales appartenant aussi bien aux mammifères qu’aux oiseaux, à l’herpétofaune (reptiles et amphibiens) et aux insectes. 
Figure 1 : Exemple de fractionnement des milieux naturels : l’autoroute 50, en Outaouais (@Google Earth Pro 7.3, 2018)

Moins évidents, d’autres effets néfastes sont à déplorer. Par exemple : la propagation d’espèces exotiques envahissantes (comme le roseau commun), ou encore la perte indirecte d’habitats, via un accès facilité au territoire pour les activités industrielles, récréatives et d’étalement urbain. 

Actuellement, la perte d’habitats naturels est considérée comme la « menace la plus importante pesant sur la biodiversité », mettant en péril plus de 80 % du monde vivant. 

Alors que faire ? 

L’écologie routière : une solution sous exploitée 

Lorsque l’implantation ou la conservation d’une route en milieu naturel est jugée indispensable, l’écologie routière intervient pour limiter ses effets délétères sur l’environnement. La solution la plus connue est celle des passages fauniques, qu’ils soient situés sous la route (passages inférieures) ou qu’ils permettent à la faune de passer au-dessus (ex. ponts verts, passerelles fauniques, etc.). 

Figure 2 : Écopont au-dessus de l’autoroute 69, en Ontario (©Queen’s Printer for Ontario, 2012–22)

Les écoponts (ou ponts verts) sont les infrastructures les plus impressionnantes permettant le passage de la faune. Ils ont fait leur apparition dans les années 1950 en Europe et aux États-Unis, puis dans les années 1980 au Canada, bien qu’il ait fallu attendre 2012 pour que l’Ontario construise son premier écopont. 

Aussi impressionnant qu’ils soient, les écoponts à eux seuls ne constituent pas une solution suffisante face aux problèmes évoqués. La réduction des impacts associés au réseau routier doit être réalisée au moyen d’un panel de mesures conjointes, telles qu’une variété de passages différents (inférieurs et supérieurs, secs et aquatiques, etc.), des clôtures de part et d’autre de chaque passage, et la conservation de zones naturelles où le passage de la faune est particulièrement important. 

Quelle situation au Québec ? 

Pour réduire le nombre de collisions avec la faune, le ministère des Transports du Québec adopte habituellement une stratégie réactive : une fois les routes construites, des zones de collisions fréquentes sont repérées, puis des réflexions sont menées pour y aménager des mesures d’atténuation. 

Ces mesures peuvent être classées selon quatre catégories : celles qui « empêchent la faune d’accéder aux abords des routes ; visent à modifier le comportement des conducteurs ; pourraient influencer le comportement des animaux ; et visent à diminuer la densité des populations de cervidés » (Peltier, 2012). 

La situation est meilleure pour la faune aquatique : le cadre légal du Canada assure notamment la continuité des cours d’eau et la libre circulation des espèces aquatiques dans les passes migratoires.  

Figure 3 : Exemple de ponceau permettant la continuité des cours d’eau. Une banquette en béton a été aménagée pour offrir un passage inférieur à la petite faune (@Colloque québécois sur l’écologie routière, 2017).

Le Québec ne possède pour le moment aucun pont vert au-dessus de ses routes, mais un premier projet pourrait voir le jour d’ici quelques années en Estrie, grâce aux efforts de l’organisme Corridor appalachien. 

De bons exemples de mesures adoptées sur le réseau routier québécois peuvent néanmoins être cités. C’est notamment le cas de la route 175 reliant Québec au Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui compte six passages inférieurs pour la grande faune et 33 pour la petite et moyenne faune, en plus de barrières installées de part et d’autre des passages. 

Lorsqu’une route nécessite d’être aménagée, le meilleur exemple à suivre reste d’inclure les enjeux de perméabilité faunique dès la conception des infrastructures. L’autoroute 85, dans la région du Bas-Saint-Laurent, prévoit ainsi la mise en place de 22 passages fauniques et d’un total de 40 km de clôtures. 

Pourquoi est-ce le meilleur exemple ? D’abord parce que les impacts de la route sont minimisés dès son ouverture ; ensuite parce qu’il est beaucoup moins coûteux d’inclure les mesures d’atténuation dès la conception ; et surtout parce que des vies humaines sont alors épargnées à coup sûr. 

Écologie routière et mobilité durable : le mariage heureux 

Bien que l’écologie routière et la mobilité durable soient exercées de manières habituellement indépendantes, leurs buts se rejoignent et gagnent à être poursuivis de concert. La mortalité par collisions véhicules-faune peut notamment être réduite à la fois grâce aux efforts de l’écologie routière – via une meilleure perméabilité faunique du réseau routier – et de la mobilité durable, en réduisant le nombre de véhicules sur route et en optimisant la sécurité des déplacements. Ce sont des centaines de collisions et des dizaines de vies humaines par an dont il est question ! Et il n’y a pas de vaccin pour ça … 

De manière générale, les cibles du gouvernement en matière de sécurité routière, de préservation des milieux naturels et de réduction des émissions de GES (pour n’en citer que trois) sont toutes poursuivies par les organismes œuvrant en écologie routière et en mobilité durable.  

Le rapport du GIEC est formel : l’urgence est réelle. Pour atteindre les objectifs qui nous sont imposés, il est important de considérer chaque acteur susceptible d’assurer une transition rapide et efficace, et de favoriser tant que possible leurs initiatives conjointes. C’est pourquoi il est indispensable d’adopter une vision d’ensemble de nos problématiques de transport, et d’opérer chaque fois que possible le mariage heureux de l’écologie routière et de la mobilité durable. 

 

Pour en apprendre plus 

 

Liste des références

Colloque Écologie routière. (2017) À propos, https://www.colloqueecologieroutiere.org/index.php/fr/ 

Gouvernement du Canada. (2021) Découvrez les cinq principales menaces pesant sur la nature, https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/patrimoine-naturel/activites/decouvrez-cinq-principales-menaces.html 

Healy, A. (2019) Élargissement de l’autoroute 69 : la route sous le premier écopont de l’Ontario. Le Naturaliste canadien, 143(1), 62-68, https://www.erudit.org/fr/revues/natcan/2019-v143-n1-natcan04133/1054119ar.pdf 

Jaeger, J., Spanowicz, A., Bowman, J. et Clevenger, A. (2019). Clôtures et passages fauniques pour les petits et moyens mammifères le long de la route 175 au Québec : Quelle est leur efficacité ? Le Naturaliste canadien, 143(1), 69-80, https://www.erudit.org/en/journals/natcan/1900-v1-n1-natcan04133/1054120ar.pdf 

Peltier, J. (2012) Incidence et prévention des accidents routiers impliquant la grande faune sur le réseau du ministère des Transports du Québec. Le Naturaliste canadien, 136(2), 89-94, https://www.erudit.org/en/journals/natcan/1900-v1-n1-natcan092/1009113ar.pdf 

Office Québécois de la langue française. (2012) Mobilité durable, https://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=26506642 

Vivre en Ville. (2018) Mobilité durable, https://collectivitesviables.org/articles/mobilite-durable.aspx 

 

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